

TPE Champagne
Partie 3 : L'éclatement de la bulle et la libération du goût
A/ Arômes et goût du champagne
-
Le dégorgement et le goût
-
Le dégorgement laisse dans la bouteille un vide qu'il faut combler. De plus, l'acidité naturelle du vin et du gaz carbonique contenu dans les bulles étant élevée, il est nécessaire d'édulcorer le contenu, selon que l'on désire obtenir un vin "extra-brut", "brut nature", "brut", "extra-dry", "sec", "demi-sec", ou "doux".C'est le rôle que va jouer la "liqueur d'expédition" (ou "liqueur de dosage") qui est un mélange de sucre très pur et de vieux vins de Champagne adapté à chaque cuvée.
-
Cette liqueur a été préparée quelques mois auparavant avec du vin de réserve, filtré sur des plaques stérilisantes pour éviter que des levures ou des bactéries provoquent une fermentation supplémentaire, ceux qui altèrerait gravement le gout. C'est la quantité de sucre ajoutée qui permet d'élaborer les différents niveaux de goût, plus ou moins dosés, c'est-à-dire plus ou moins sucrés :
-
extra-brut : entre 0 et 6 g/l de sucre
-
brut nature : moins de 3g/l
-
brut : moins de 12 g/l
-
extra dry : de 12 à 17 g/l
-
sec (ou dry) : de 17 à 32 g/l
-
demi-sec : de 32 à 50 g/l
-
doux : plus de 50 g/l
-
Certains vins ne font l'objet d'aucun dosage complémentaire. Le vide dû au dégorgement est alors complété par l'ajout d'un vin identique à celui contenu dans la bouteille. Ces vins sont dits "totalement bruts" et portent plusieurs noms : brut 100 %, brut 0, brut intégral, brut sauvage, ultra brut, etc.
2. Influence du verre sur effervescence et goût
Le matériau
-
Dans le cas où le consommateur déciderait de boire son champagne dans un verre en plastique, cela serait une terrible idée. En effet, ce matériau perturbe les bulles: le plastique étant hydrophobe, contrairement au verre, les bulles s’accumulent sur les parois du gobelet et se regroupent, donnant ainsi un pétillant « grossier ». Il vaut donc mieux opter pour du verre ou du cristal qui eux ne posent aucun souci sur ce plan la.
La forme
-
Mais de quelle forme ? La traditionnelle flûte concentre les arômes puisque le contact avec l’air est réduit. En plus de concentrer les arômes, un de ses avantages bien plus technique est qu'il permet au champagne de garder son effervescence plus longuement justement car le contact avec l'air est réduit. Mais la longue remontée des bulles les agrège et leur fait perdre leur finesse initiale. Et de plus, une flûte trop étroite concentre les arômes et le gaz carbonique, au risque d’agresser un peu le nez.
-
Quant à un récipient large, comme une coupe évasée, il favorise les échanges avec l’air et fait perdre rapidement au champagne ses arômes et ses bulles. Cependant, les bulles n’ont pas le temps de grossir lors de leur courte remontée dans la coupe, et arrivent donc plus petites au sommet… et au palais du goûteur ! Le gout sera certes plus raffiné mais le champagne perdra de son arôme très rapidement.
-
Les verres dans lesquels on boit le champagne doivent répondre par leur élégance à son image de prestige et de distinction, mais ils doivent aussi permettre d'apprécier toutes les qualités du vin. En ce qui concerne la matière, c'est le verre qui remplit le mieux ces conditions, et en particulier le cristal.
-
Il peut donc se faire, si le polissage du verre est trop poussé, si le nettoyage est trop parfait, que le champagne ne donne aucune mousse en dehors du premier jet résultant du contact avec l'air. Avant d'incriminer le vin, il faut l'essayer dans un verre essuyé différemment ou d'une autre fabrication.
-
On peut donner en exemple l'anecdote suivante. Ayant à recevoir un journaliste, un membre de l'interprofession champenoise l'invite dans un excellent établissement et commande une bouteille de champagne d'une grande marque : absence totale de mousse. Il demande une bouteille d'une autre marque : toujours rien. Il fait changer les verres et verser à nouveau les mêmes vins : tous deux moussent à la perfection. Afin d'éviter ces mésaventures, des verriers gravent dans fond du verre une étoile, ou même des rayures, ce qui assure un bon dégagement du gaz.
-
Les anomalies constatées dans la formation des bulles peuvent aussi provenir du mode de lavage du verre. Si on emploie un détergent sans que le rinçage soit suffisant, divers phénomènes sont observés. La mousse, le plus souvent, se forme mal et le cordon qui s'est établi lorsque l'on a versé le champagne dans le verre y subsiste indéfiniment au lieu de se résorber progressivement. Ceci s'explique par la présence des agents chimiques qui se trouvent dans le détergent.
-
Les inconvénients de la flûte sont d'ordre pratique : fragilité, lenteur du service ou risque de débordement si on verse trop vite.
-
La coupe, par contre, est indéfendable. La mousse s'y forme mal et ne tient pas, le bouquet se disperse. La coupe facilite le service, mais son seul mérite réel est, comme la flûte, d'être associée au champagne dans l'esprit du public et d'éveiller l'idée de fête. Il faudrait donc éviter les coupes pour servir du champagne sauf pour les coupes à jambe creuse qui, bien que difficiles à nettoyer, sont plus satisfaisantes si elles ne sont pas trop évasées.
-
Ce n’est seulement que vers 1930 que l’on a commencé à utiliser pour boire le champagne un nouveau verre constitué par un récipient en forme d'œuf tronqué à une extrémité, supporté par une jambe pleine allongée. C'est aujourd'hui le verre à champagne classique, en forme de tulipe. Le verre à champagne est alors assez ouvert pour que la dégustation soit possible et assez resserré pour que le bouquet soit concentré. Sa particularité est qu’il développe l’effet Venturi qui, dans un objet en forme de tuyau engendre une accélération des filets d’air.
3. Influence des bulles sur le goût
Le brassage du champagne par les bulles
-
Les bulles en remontant à la surface brassent en continu le champagne ce qui en fait des acteurs essentiels du gout du champagne. Ce mouvement quelles entrainent est un mouvement très ordonné et régulier. Ces mouvement permettent la libération de gaz carbonique en surface et par conséquent exaltent le gout en renouvelant constamment la surface en molécules aromatiques et en composés volatils odorants. S’il n’y avait pas ce mouvement permanant, le breuvage s’appauvrirait en molécules volatils à cause de l’évaporation par la surface.
-
Le verre de champagne est un milieu agité ou l’effervescence met en mouvement le liquide et participe à la libération des arômes. Ces cartes tomographiques nous permettent de découvrir comment le verre et les gravures (s’il y en a) influencent les bulles.
-
Dans un verre dans lequel l’effervescence est ‘naturelle’, c’est à dire que le verre n’a pas de gravures, on remarque que les bulles se déplacent dans le verre et homogénéisent la boisson lentement.
-
Dans un verre qui possède une gravure juste au-dessus du pied, les flux de bulle est beaucoup plus important, les bulles sont beaucoup plus rapides et le champagne mieux homogénéisé: une grosse colonne de bulle s’élève au milieu, ce qui permet de canaliser les bulles a un même endroit et de les rendre plus efficaces, et une fois arrivées à la surface, elles sont prises dans deux tourbillons de part et d’autre de la colonne centrale, ce qui permet un mélange et un renouvellement des molécules à la surface.
-
Cependant, il ne faut surtout pas que l’effervescence soit trop importante. En effet, la vitesse des mouvements de convection d’un gaz dans un liquide est proportionnelle à sa vitesse de diffusion en surface. Cela veut dire que si la vitesse des bulles est trop importante (à cause d’un trop grand nombre de gravure par exemple), l’émission des gaz carboniques et des arômes sera plus rapide et donc le champagne perdra son gout prématurément. De plus, un excès de gaz carbonique masquerait les arômes réels du champagne. C’est pour cela qu’un verrier devra prendre beaucoup de précautions avant de graver le verre.
-
Dans le cas de la coupe, l’effervescence est totalement différente. Prenons une coupe gravée juste au-dessus du pied. On remarque très clairement que seule la partie centrale est brassée par les bulles. La trajectoire des bulles est à peu près similaire à celle des bulles de la flute, mais la large ouverture du verre interdit le fluide d’être brassé entièrement, contrairement au champagne versé dans une flute qui est brassé entièrement. Le fluide en périphérie du verre est donc pratiquement inerte, et c’est malheureusement la que se posent nos lèvres lorsque nous buvons. La vitesse des bulles est moindre car il n’y a pas d’effet de venturi (comme dans la flute) et la surface et de toute façon trop proche du fond du verre pour qu’elles puissent prendre une vitesse suffisante pour brasser le champagne correctement. Elles seront par ailleurs beaucoup plus fines.
Lorsque ces bulles éclatent
-
L’éclatement des bulles participe aussi à la libération des arômes du champagne. Des centaines de bulles rejoignent la surface chaque seconde et projettent en éclatant un mince filet de champagne qui se brise en petite gouttelettes. Le dioxyde de carbone dissous influe de deux façons différentes sur le gout : ces deux façons sont en fait des stimulations de nos sens.
-
La première est une stimulation dite « mécanique » qui fait intervenir des récepteurs liés à la douleur. Le jet qui est provoqué par l’éclatement de la bulle stimule les nocicepteurs, situés en dessous du nez qui sont des capteurs prévus pour transmettre au cerveau des signaux dans le cas d’une brûlure par exemple.
-
La deuxième stimulation se fait sur le palais du buveur, et qui sont des récepteurs liés à l’acidité. Les bulles de CO2 qui éclatent dans la bouche stimulent les nocicepteurs situés à la surface de la langue. C’est ce qui donne sa vivacité au champagne (à condition qu’il ait été bien conservé avec un bouchon parfaitement hermétique).
-
Le champagne est composé de centaines de composés organiques, dont certains sont amphiphiles, c’est-à-dire que leurs molécules ont un double affinité, donc qu’ils sont à la fois hydrophobes et hydrophile (comme certains alcools et acides organiques). Elles ont tendance à se placer aux interfaces gaz-liquide, leur partie hydrophobe vers le gaz et la partie hydrophile vers le fluide : dans notre cas, c’est donc à la surface du verre, ou sur les bulles. Les bulles participent donc à l’ascension de ces molécules organiques détentrice d’arômes.
-
On estime que la surface totale des bulles produites dans une flute avoisine deux m^(2). La quantité d’arôme déplacée est par conséquent très importante. L’aérosol formé à la surface, la mousse donc, est donc plus concentrée en molécules aromatiques que le cœur du liquide même !
-
Pour démontrer ceci, on utilise un spectromètre de masse à ultra haute définition.
-
Les résultats sont très concluants : la mousse à la surface est beaucoup plus concentrée en molécules organoleptiques que le champagne même, parfois jusqu’à 30 fois plus !